Le 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour ses conditions de détention indignes, l’enjoignant, d’une part, de mettre fin au phénomène dramatique et persistant de la surpopulation carcérale et d’autre part, d’instaurer un recours permettant de dénoncer ces mauvaises conditions.
C’est ainsi que la loi du 8 avril 2021 a créé l’article 803-8 du Code de procédure pénale. Désormais toute personne, détenue dans un établissement pénitentiaire français, qui considère que ses conditions de détention sont contraires à la dignité de la personne humaine peut saisir le Juge, afin qu’il y soit mis fin.
Le décret d’application de cette loi, publié le 16 septembre 2021, est venu apporter des précisions sur les modalités du recours.
Comment saisir le Juge ?
Une requête doit être présentée par la personne ou son avocat au juge compétent :
- Soit le Juge des libertés et de la détention lorsque le détenu est en détention provisoire ;
- Soit le Juge d’application des peines lorsque le détenu est déjà condamné et exécute sa peine.
Que fait le Juge ?
1.Le Juge apprécie la recevabilité de la requête
Pour être recevable, cette requête doit notamment contenir « un exposé circonstancié des conditions de détention personnelles et actuelles que son auteur estime contraires à la dignité de la personne ».
Le juge doit statuer dans les 10 jours suivant la réception de la requête.
—> S’il estime la requête irrecevable, cette décision est notifiée sans délai au détenu par l’intermédiaire du chef d’établissement pénitentiaire.
—> S’il estime la requête recevable, le Juge communique sans délai sa décision au chef de l’établissement pénitentiaire. Ce dernier devra alors lui transmettre en retour, dans un délai compris entre 3 et 10 jours ouvrables, ses observations écrites et toutes pièces permettant d’apprécier les conditions de détention.
À ce stade, le détenu peut demander à être entendu par le Juge en présence de son avocat (Art. R.249-35 du Code de procédure pénale).
2. Le Juge vérifie les conditions de détention
Selon l’article R.249-24 du Code de procédure pénale, pour vérifier les conditions de détention du requérant, le Juge peut :
- se déplacer sur les lieux de détention ;
- ordonner une expertise ;
- requérir d’un huissier de justice de procéder à toute constatation utile, à des photographies, des prises de vue et de son au sein de l’établissement pénitentiaire ;
- procéder à l’audition, de codétenus du requérant, de personnels pénitentiaires ou du chef de l’établissement pénitentiaire, le cas échéant par visioconférence ;
- procéder à l’audition du requérant, même si celui-ci n’a pas demandé à être entendu, éventuellement par visioconférence. (
Si le Juge estime qu’il existe en l’espèce de mauvaises conditions de détention (en fonction, par exemple, de la requête, des observations du détenu, de son avocat, de l’établissement pénitentiaire), il rend une deuxième ordonnance, dans un délai de dix jours, mentionnant ces conditions de détention, et fixe un nouveau délai compris entre dix jours et un mois pour permettre à l’administration pénitentiaire d’y mettre fin par tout moyen.
À l’issue de ce délai, deux situations peuvent se présenter :
- Le Juge constate qu’il a été mis fin aux conditions de détention contraires à la dignité du requérant, et dans ce cas il n’y a plus lieu à statuer.
- Lorsque le Juge constate que ces mauvaises conditions de détention n’ont pas cessé et dans ce cas, l’article 803-8 du Code de procédure pénale prévoit que le Juge doit prendre l’une de ces 3 décisions :
– Le transfèrement de la personne dans un autre établissement pénitentiaire ;
– La mise en liberté immédiate en cas de détention provisoire, éventuellement assortie d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence sous surveillance électronique ;
-L’un des aménagements de peine de l’article 707 du Code de procédure pénale si la personne est définitivement condamnée.
Comment contester la décision du Juge ?
L’ensemble des Ordonnances du juge compétent peut faire l’objet d’un appel par le requérant ou le Parquet, devant le Président de la Chambre de l’instruction ou le Président de la Chambre d’application des peines, dans un délai de 10 jours à compter de leur notification.
Ces juridictions peuvent aussi être saisies si le juge ne statue pas dans les délais qui lui sont impartis.
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Ainsi, cette loi du 8 avril 2021, qui se veut protectrice des droits des détenus, ne prend finalement pas en compte la dure réalité carcérale : à titre d’exemple, le transfèrement d’un seul détenu pourra poser des difficultés en raison de cette surpopulation en prison. On peut d’ores et déjà douter de l’efficacité de ce recours dont la mise en oeuvre s’avère complexe…
Camille HERROU
Stagiaire
Etudiante IEJ Paris V-Descartes